Si Turing
tient chronologiquement une première place dans l'histoire
des ordinateurs (il en est, pour ainsi dire, le premier
constructeur), il est de ce fait également en première place
pour y avoir pensée ; et comme l'informatique interpelle la
pensée, c'est en première place de la philosophie que Turing
se retrouve. Mais dans cette position il révèle la limite
où la philosophie s'est trouvée.
Lorsque
Turing démontre que les machines pensent, il faut moins
s'émouvoir qu'admettre qu'il ouvre une ère de la
connaissance de ce que c'est que la pensée. Rappelons-nous
que lorsque Copernic démontre que la terre est en mouvement
dans l'espace, il ouvrit une ère de connaissance - moins de
la terre que - de ce que c'est que l'espace ; c'est à dire ni
plus ni moins rien du tout, du vide.
Ainsi pour souligner l'évolution que Turing opère, ses
successeurs se seront attachés à bien formuler une théorie
de l'information ; et en résumé l'information, les lettres
et toutes choses qui nous parlent, nous le savons bien.. que
ce n'est pas plus que le désert sur Mars avant que quelqu'un
ne le lise. C'est à dire que l'information n'est rien avant
qu'un observateur la traite comme telle. Tel est le statut de
la pensée. La pensée est aussi mécanique et inconsistantes
que ce qu'entend un aphasique qui a perdu la fonction
d'entendre. Turing, comme le premier astronome, réduit la
pensée au silence éternel des espaces infinis que B.Pascal
remplissait d'effroi et de froid.
C'est dire, à la réflexion et avec un peu de mémoire, où
en était arrivé la philosophie ! et le culte qu'elle avait
opéré de la pensée à l'image de l'espace plein de maîtres
et d'influences de l'astrologie..
Ce
n'est que la fin de la vie de Turing qui montre ce qu'il
trouve derrière ces mécaniques qui tournent en rond dans
l'espace vide. Après avoir démontré que les ordinateurs
pensent (et par conséquent gouverneront, ajoutera Weiner
quelques années plus tard) Turing, dont le corps se déforme
par les hormones, découvre que l'intrigue est dans les
formes, rejoignant alors la fondation de la génétique.